Le festival Audiovision : Une belle initiative pour rendre le cinéma accessible aux malvoyants

Ce vendredi 29 mars, j’ai profité d’un petit répit dans mon emploi du temps pour découvrir une remarquable initiative de l’association Valentin Haüy : un festival de cinéma audio décrit. Alors en quoi cela consiste t’il, quel est l’intérêt, et pourquoi cela est il remarquable ?

Comment est ce que ça fonctionne ?

L’audio description d’un film consiste à décrire oralement les éléments visibles de l’image pour que les malvoyants puissent les imaginer, et donc profiter du film malgré leur handicap. Pour cela, un enregistrement est effectué et diffusé aux personnes malvoyantes à l’aide d’un casque audio.

L’association Valentin Haüy, pionnière dans ce domaine, proposait donc ces deux dernières semaines de se découvrir leur travail en se mettant dans la peau d’un aveugle, le casque sur les oreilles. J’ai réussit à voir l’avant dernière séance diffusé à l’UGC Gobelins à Paris : un visionnage du « Grand Bain » de Gilles Lellouche. Le scénario n’est pas transcendant, mais l’expérience vaut le détour.

Être précis, être accessible

L’enjeu principal de l’audio description est de rendre le film accessible aux malvoyants. Il faut donc être clair, précis. Il faut reconnaître les difficultés de la narrations. Ainsi, lorsque plusieurs plans s’enchaînent pour présenter la banalité de la vie, avec des actions quotidiennes qui s’enchaîne rapidement, on voit la difficulté d’une synthèse de ces éléments, et on ne peut qu’admirer celle qui est faite par le descripteur.

Pour ce festival, les spectateurs voyants sont libres de voir le film ou de fermer les yeux. J’ai personnellement pris le parti de garder les yeux fermés le plus longtemps possible. On comprend alors à quel point nous sommes désorienté sans la vue. Qui parle, à qui ? Mais qui est cette troisième voix ? Et dans cette cohue où tous parlent, qui donc appelle au calme ? Les situations semblent souvent ambiguës, et pourtant, l’aisance des personnes malvoyantes dans cette analyse est impressionnante. Ainsi, à la sortie, tenant une porte à l’une d’entre elles, elle s’est spontanément tourné vers moi pour me remercier, sans hésiter. Alors que la vue occupe aujourd’hui un rôle prédominant, il est admirable, d’avoir cette aisance tout en en étant privé !

Une autre difficulté que j’ai découverte durant la projection est ma difficulté à différencier les voix et les personnages. Encore un fois, la description aide au début, mais il faut bien reconnaître que c’est loin d’être facile dès que le contexte est un peu plus vague.

Qualité artistique de la description

Alors que dire de ce travail ? Tout d’abord, il convient de remarquer sa qualité. Il ne s’agit pas uniquement de décrire l’image, mais d’en donner les traits essentiels, ceux qui sont porteurs de sens. En cela, il faut une fine analyse de la réalisation, des choix de montage. Ainsi, le descripteur n’hésite pas à décrire « une vue aérienne en plongée », les gros plans ou d’autres choix dans la composition de l’image.

Pour avoir travaillé sur un film, je sais que de nombreux éléments du scénario ne sont jamais dit. Ainsi, dans notre propre scénario, nous avions demandé un « gros plan sur les yeux pétillants de Sylvie ». Sur le tournage, nous avons du diriger les acteurs et la caméra pour capter un tel regard. Quel surprise alors quand le descripteur décrit exactement en ces termes un tel regard dans « le grand bain ».

Ainsi, décrire l’image, c’est être synthétique, mais aussi artistique. Il faut comprendre pourquoi le réalisateur à pris ce plan. Au cinéma, la moyenne du nombre de plan par jour est entre 5 et 10, c’est à dire en moyenne 1h par plan. Chaque image, chaque expression a donc un sens. C’est ce sens qu’il s’agit de capter. Du point de vue de la réalisation finalement, c’est passionnant de voir ce qui va être retenu de cette image.

Qualité littéraire de la description

Je n’irait pas jusqu’à dire que la description est en soi une oeuvre littéraire. Elle complète admirablement le film en reposant sur son rythme et sur ses choix, et en ceci, elle est très contrainte. Cependant, les choix qui sont fait la portent presque vers une forme de poésie. Le descripteur n’hésite ainsi pas à utiliser des mots précis et peu communs, « dodeliner », « étreignent », « rictus mauvais », mais fait également appel à des figures de styles : « ils s’avancent tels des capucins ». Parfois, de manière plus surprenante, pour faire passer quelque chose de plus, le descripteur s’autorise une description plus familière, comme « Il craque ». Notez également l’usage du présent de narration tout au long du film.

Dans le résultats final, le mix entre musique, bruitage, dialogues et description en ressort très enrichit. Privé de l’image, on ne peut que se focaliser sur cet arrangement admirable et y découvrir quelque chose de très chargé émotionnellement, comme une musique, mais composée telle une image.

Pour conclure

Finalement que retenir ? Pour ma part, cette expérience m’a fait saisir quelque unes des difficultés que peuvent rencontrer les malvoyants, mais également leur courage et leur détermination pour y faire face. Elle m’a fait également re-découvrir à quel point l’image « n’a pas le monopole du cœur », et qu’il est possible de donner du plaisir, de la joie, même sans image. Tous les efforts de l’association Valentin Haüy sont remarquables dans ce sens, et ont réellement un impact, comme en témoignent les rires qui ont fusé tout au long de la séance.

Pour les Lyonais, le festival continue à l’UCG Alésia dès le 1er avril 2019

 

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